Le collectif VSS en santé & son plaidoyer
Aux côtés de nombreuses associations dont nous faisons partie, le collectif VSS en santé a porté ses revendications auprès du gouvernement.
En voici la synthèse
NOTRE COLLECTIF
Le Collectif contre les violences sexistes et sexuelles en santé (Collectif VSS Santé)
regroupe des associations féministes et de patient-es, des syndicats de professionnel-les de
santé, des syndicats et associations d’étudiant-es, qui luttent ensemble contre toutes les
violences sexuelles et sexistes (VSS) en santé - en incluant les violences obstétricales et
gynécologiques (VOG) - que celles-ci soient dirigées à l'encontre des étudiant-es, des
patient-es ou des professionnel-les de santé.
Des étudiant-es en médecine se sont mobilisé-es avec le Collectif National pour les
Droits des Femmes, l’association Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques
France, le Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes et SUD Santé Sociaux, pour
dénoncer l’absence de sanctions disciplinaires à l'encontre d'un étudiant en médecine
condamné par la justice pour des violences sexuelles. Ensemble, ces organisations ont appelé
d’autres associations et syndicats à rejoindre le Collectif VSS Santé - Balance ta Bandelette,
CGT UFMICT, Endométriose et Douleurs Neuro (E&DN), Héro.ines95, l’Observatoire des
VSS dans l’enseignement supérieur, l’Observatoire féministe des violences médicales, Pour
une M.E.U.F. (Médecine Engagée, Unie et Féministe), Pour une Santé Engagée et Solidaire,
l’Union Étudiante, Osez le Féminisme - et annoncé sa création le 18 novembre 2024.
La création de notre collectif fait suite à un premier constat simple : celui du
caractère systémique et massif des violences sexistes et sexuelles dans le monde de la
santé. Si les VSS traversent l’ensemble de la société, le monde de la santé fait
indéniablement partie des univers professionnels concernés par une problématique spécifique
de violences sexistes et sexuelles exacerbées et taboues. La proportion considérable de
médecins parmi les appels à témoignages pour viols publiés par le Collectif Féministe Contre
le Viol (CFCV) en est une illustration révélatrice. Dans les facultés de médecine, dans les
hôpitaux, dans les cabinets médicaux, une véritable culture du viol et une puissante omerta
sont nourries par la culture “carabine”, le corporatisme, l’asymétrie du rapport
soignant-patient et les fortes hiérarchies professionnelles. L’accès par les médecins au corps
et à la nudité, ainsi que la position particulièrement vulnérable des patient-es face à des
médecins qui représentent leur espoir de guérison, sont d’autres spécificités du monde
médical qui facilitent la perpétration de violences. Les femmes, mais aussi les enfants, en
sont les principales victimes. Ces violences patriarcales touchent en outre particulièrement les
personnes à l’intersection de plusieurs discriminations.
Notre collectif s’est structuré autour d’un second constat : celui d’un lien étroit entre
l’atmosphère sexiste et les violences présentes dans les études de santé, les violences
commises à l’hôpital par des médecins et d’autres professionnel-les de santé à l’encontre
de collègues, et les violences sexistes et sexuelles - dont notamment les violences obstétricales et gynécologiques - subies par les patient-es dans le cadre même de
l’exercice médical. Toutes ces violences sont liées à une même culture machiste et
patriarcale de banalisation du viol, à un sentiment d’impunité des médecins et à l’abus d’une
position de pouvoir. Il existe ainsi un véritable continuum et un caractère systémique des
violences sexistes et sexuelles dans le monde de la santé, ce qui nous oblige à penser la lutte
contre les VSS en santé de façon globale, en intégrant tant les violences subies par les
patient-es que celles subies par les professionnel-les de santé et les étudiant-es.
Notre collectif dresse un troisième constat: celui d’une impunité particulièrement
forte des agresseurs dans le monde de la santé et de défaillances lourdes dans le
traitement institutionnel de ces violences, notamment par l’Ordre des Médecins. Les
défaillances sont aussi le fait des directions des établissements de santé et de l’action sociale,
des universités et facultés de médecine ainsi que des instances ministérielles. Des médecins
mis en examen pour des violences sur des patient-es peuvent continuer à exercer, des plaintes
sont étouffées, des médecins dénonçant un confrère pour violence sexuelle écopent de
blâmes, des étudiants condamnés par la justice pour violences sexuelles peuvent continuer
leur formation sans être inquiétés.
Enfin, nous partageons une autre observation : celle d’un manque total de prise en
compte, dans nos politiques publiques, d’un type de violences sexistes et sexuelles
étroitement lié à la pratique médicale et faisant partie intégrante du problème global
que nous dénonçons, les violences obstétricales et gynécologiques. Alors qu’il n’en existe
à ce jour aucune définition juridique et que ces violences peinent à être condamnées, les VOG
constituent de véritables violences sexistes et sexuelles, incluant des agressions sexuelles et
des viols, et ont des conséquences particulièrement traumatiques pour les victimes. Les VOG
ne sont pas des cas rares et isolés et sont au contraire systémiques et généralisées, comme en
atteste un rapport du HCE. Ces violences sont commises par certain-es professionnel-les de
santé à l’égard de patient-es lors du suivi gynécologique (classique et IVG) ou du suivi
obstétrical (grossesse, accouchement, séjour à la maternité, parcours PMA, fausse-couche). Si
le niveau de conscience de notre société française sur les droits en matière de santé et sur les
VOG a augmenté, le déni perdure du côté des hautes instances de la gynécologie et des
pouvoirs publics. En atteste une publication dans la revue médicale européenne Elsevier dans
laquelle des organisations représentant la gynécologie et maïeutique ont remis en cause le
terme même de “violence” dans VOG. Or des rapports existent depuis des années en Europe
précisément avec le terme de “violences obstétricales et gynécologiques”, comme c’est le cas
notamment dans la résolution 2306 du Conseil de l’Europe. Certains pays ont même légiféré
en utilisant ce terme. Le Venezuela a été le premier dès 2007, puis d’autres pays ont suivi
comme l’Argentine, le Brésil et plusieurs Etats du Mexique. Il est urgent que la France
prenne également à bras le corps cette question de santé publique.
UN ÉTAT DES LIEUX ACCABLANT
De nombreuses affaires judiciaires, des vagues de témoignages, des enquêtes
journalistiques ainsi que les chiffres issus des rares enquêtes disponibles sont révélateurs du
caractère systémique et massif des violences sexistes et sexuelles dans le monde de la santé.
Dans l’actualité, le procès Le Scouarnec, qui pose bien entendu également la question
de la lutte contre la pédocriminalité, est édifiant quant à la question des violences sexistes et
sexuelles commises par des médecins à l’encontre de patient-es. Édifiant quant au nombre de
victimes. Édifiant également quant aux graves manquements de l’Ordre des médecins. En
effet, l’Ordre n’a pas agi malgré sa connaissance de la condamnation du chirurgien pour
détention d’images pédo-criminelles en 2004. Cela a conduit à des centaines de victimes
supplémentaires, pendant près de vingt ans. La sécurité des patient-es n’a ainsi pas été
garantie. L’affaire Hazout illustre également la façon dont l’Ordre étouffe des plaintes et s’en
prend même aux personnes effectuant des signalements. C’est ainsi que le Dr Poitevin a
écopé d'un blâme pour avoir dénoncé les violences perpétrées par le Dr Hazout, sous prétexte
de non-confraternité. Autre affaire, tout aussi révélatrice : celle du professeur Daraï,
gynécologue qui est toujours en poste à l’hôpital Tenon malgré sa mise en examen pour
violences volontaires à la suite de 32 plaintes pénales. Aucune suspension temporaire n’a été
décidée par l’Ordre des médecins. Ce cas est particulièrement révélateur du manque de
considération pour la parole des patient-es victimes de VOG et des défaillances lourdes dans
le traitement des violences sexistes et sexuelles commises par des médecins. En plus de la
gynécologie et de l'obstétrique, d’autres spécialités sont particulièrement concernées par les
VSS commises à l’encontre de patient-es. C’est notamment le cas de la psychiatrie, où de
nombreux-ses patient-es sont particulièrement vulnérables. Le cas du Dr Adida, psychiatre
condamné à 12 ans de prison pour viols et agressions sexuelles, en est une illustration. Ces
affaires montrent que la position d’autorité du médecin sur le patient facilite le déploiement
de stratégies d’agression.
Concernant les VOG, les nombreux témoignages reçus par l’association Stop aux
Violences Obstétricales et Gynécologiques France (Stop VOG) mettent également en lumière
la gravité de la situation. Les personnes victimes font état d’examens gynécologiques
effectués avec brutalité ou par surprise, sans être prêtes ou bien informées sur ce qui allait
être fait. Ces gestes médicaux sont réalisés en l’absence de tout respect de l’intimité, sans
consentement, ou de manière inappropriée. Depuis 2002, la loi dite “Kouchner” exige la
demande du consentement libre et éclairé avant d’effectuer tout examen ou acte médical. La
Défenseure des Droits constate dans son dernier rapport d'enquête sur les discriminations en
santé “des atteintes fréquentes à ce droit, dont sont particulièrement victimes les femmes lors
de leur suivi gynécologique et obstétrical”. De nombreuses patientes dénoncent en outre le mépris des symptômes et
de leurs choix, les jugements, l’infantilisation et les nombreuses
autres formes de discriminations (racisme, grossophobie, LGBTphobie, validisme, etc.). Le
rapport de la Défenseure des droits souligne également que des patient-es font l’objet de
propos stigmatisants ou d’humiliations et alerte sur la minimisation de la douleur, l’absence
d’investigation et le refus de prescrire des examens justifiés par des propos sexistes. Dans la
dernière Enquête Nationale de Périnatalité, 17% des mères ont fait état de gestes inappropriés
de la part de professionnels de santé, 30% de paroles inappropriées et 25% d’attitudes
inappropriées.
En ce qui concerne les violences subies par des médecins ou d’autres
professionnel-les de santé, le mouvement massif de libération de la parole #MeTooHôpital
lancé en 2024 à la suite du témoignage de l’infectiologue Karine Lacombe a commencé à
fissurer l’omerta sur la culture sexiste et les violences systémiques présentes dans le monde
médical. Plusieurs tribunes ont été signées en ce sens par des médecins et étudiant-es en
médecine, les témoignages sur les réseaux sociaux se sont multipliés et plusieurs enquêtes
journalistiques ont montré la gravité du problème. Plusieurs travaux ont également mis en
avant de façon chiffrée l’ampleur des violences. Ainsi, d’après l’enquête du Conseil National
de l’Ordre des médecins de novembre 2024 à laquelle 21 000 médecins ont répondu, 54% des
médecins femmes actives ont été victimes de violences sexistes et sexuelles. C’est également le cas pour 53% des
femmes infirmières d’après une enquête de l’Ordre infirmier. Les étudiant-es lors de leurs stages en hôpital sont
particulièrement vulnérables aux violences, qui sont souvent perpétrées par des médecins profitant de leur position
hiérarchique supérieure (violences commises par des maîtres de stages, violences commises
par des internes sur des externes…). Les fortes hiérarchies dans le corps médical rendent par
ailleurs difficile la libération de la parole. Comme le montrent de nombreux témoignages,
beaucoup de victimes n’osent prendre la parole par peur des répercussions sur leurs carrières.
Les violences commises à l’égard des patient-es comme des professionnel-les de santé
trouvent leurs racines dans une culture machiste qui imprègne le monde médical dès lesétudes.
Dans les facultés de médecine et pharmacie comme dans les hôpitaux, les traditions
dites “carabines” s’apparentent en réalité à une véritable culture du viol, faisant des femmes
des objets sexuels à disposition. Les chants paillards, les bizutages et autres humiliations
entretenues sous couvert de dédramatiser le quotidien créent un climat misogyne, mais aussi
LGBTQIphobe et raciste. Les fresques pornographiques, toujours présentes dans certains
hôpitaux, participent de ce climat particulièrement hostile pour les femmes et personnes
minorisées. Le cas en septembre dernier de la banderole brandie lors d’une soirée étudiante
de médecine à l’université de Tours représentant le viol d’une femme avec du GHB est un
exemple parlant et malheureusement commun de cette culture patriarcale de banalisation des
violences sexuelles. Cette atmosphère est le terreau de violences particulièrement graves
entre étudiant-es. Plus de 15% des étudiant-es en médecine ont ainsi vécu des agressions
sexuelles dans leur vie universitaire. Celles-ci se déroulent dans plus de 9 cas sur 10 lors
d’événements (tels que les week-ends, les soirées, les galas…), où les traditions “carabines”
sont particulièrement présentes. Par ailleurs, l’impunité sévit également dans les universités.
Le cas de Nicolas W. en est révélateur. Cet étudiant en médecine, condamné par la justice
pour plusieurs agressions sexuelles, vient seulement d’être exclu de l’enseignement supérieur
pour trois ans après avoir continué sa formation pendant cinq ans sans être inquiété.
Il aura fallu de multiples mobilisations à Tours, Limoges et Toulouse pour qu’une procédure
disciplinaire se tienne. La gestion de ce cas par les doyens de médecine de Limoges et Tours
est particulièrement symptomatique de la protection des agresseurs mise en place dans
certaines facultés de médecine études.
NOS 15 REVENDICATIONS
1. Mettre en place un grand plan d’action ministériel de lutte contre les VSS en santé
qui intègre la lutte contre les violences à l’encontre des patient-es, notamment les VOG,
et des étudiant-es et qui soit assorti de moyens financiers à la hauteur des besoins.
2. Créer une commission indépendante sur les VSS en santé, sur le modèle de la
CIVIISE.
3. Adopter une loi contre les violences obstétricales et gynécologiques (VOG), qui
permette notamment d’inscrire la définition de ces violences dans la législation.
4. Mettre en place en urgence un plan ambitieux de prévention sur les violences sexistes
et sexuelles en santé, dont les VOG, avec des temps de sensibilisation obligatoires pour7
l’ensemble des étudiant-es en santé, des médecins et de tous les autres professionnel-les de
santé, qui abordent l’articulation entre les différentes discriminations.
5. Mettre définitivement fin aux traditions carabines sexistes, LGBTQIphobes et
racistes dans les facultés de médecine et les hôpitaux (chants paillards, bizutages, fresques
pornographiques…) via la réaffirmation claire de leur interdiction, la formation des directions
des facultés de médecine et la formation des responsables des associations étudiantes en
médecine.
6. Inclure les patient-es victimes de VSS en santé - dont de VOG - et devenu-es
expert-es notamment à travers les associations de patient-es, dans la formation initiale
et continue des professionnel-les de santé, dans l’élaboration des recommandations
médicales des hautes instances de santé, dans la gestion des établissements de soins et dans
les décisions en santé en général.
7. Mettre en place un véritable accompagnement des victimes pris en charge
financièrement à 100%, qui intègre un volet psychologique, médical et juridique, tant pour
les étudiant-es, les professionnel-les que les patient-es victimes.
8. Protéger de façon effective les étudiant-es et professionnel-les signalant des violences
sexistes et sexuelles en mettant en place la protection fonctionnelle dans la fonction publique
et en abrogeant le principe de confraternité.
9. Mettre en place des dispositifs de signalement des violences et améliorer les
dispositifs existants via la création d’une plateforme nationale de signalement anonyme pour
les patient-es, via la mise en place effective dans tous les établissements de santé du dispositif
de signalement obligatoire dans la fonction publique contre les violences, les discriminations
et le harcèlement, et via le renforcement des moyens humains et financiers pour les cellules
de signalement des établissements d’enseignement supérieur.
10. Revoir le fonctionnement des procédures disciplinaires en cas de VSS commises par
un médecin, avec le retrait de tout pouvoir de juridiction disciplinaire à l’Ordre des
médecins, avec la mise en place d’une commission de justice disciplinaire indépendante
intégrant des personnes autres que médecins, spécialisées dans les VSS - notamment des
organisations de patient-es - et avec la mise en place d’instances locales de juridictions
disciplinaires pour les médecins hospitalo-universitaires au sein des hôpitaux.
11. Mettre à l’écart de façon immédiate et systématique tout médecin ou autre
professionnel-le mis-e en examen pour violences sexuelles ou concerné-e par un
signalement pour VSS via l’application effective de la loi article L.4113-14 du Code de la
santé publique permettant une suspension de 5 mois des professionnels de santé accusés de8
harcèlement, agressions ou de viols. Par principe de précaution afin de garantir la sécurité des
personnes soignées et des personnes soignantes.
12. Interdire d’exercer les médecins, étudiant-es en médecine ou tout professionnel de
santé condamnés pour des délits ou crimes en termes de VSS.
13. Former les directions des établissements de santé et de l’action sociale, les
directions des établissements d’enseignement supérieur et des facultés de médecine ainsi
que les personnels des cellules de signalement à la prise en charge des victimes de VSS et à
la gestion des procédures disciplinaires.
14. Évaluer grâce à des enquêtes qualitatives et quantitatives l’ampleur, les
conséquences sur la santé physique et mentale, l’évolution des violences sexistes et sexuelles
en santé, en incluant les VOG, en faisant participer à la rédaction des questionnaires les
organisations de patient-tes, les syndicats professionnels et étudiants et les associations
féministes.
15. Interdire et sanctionner disciplinairement comme pénalement le non-respect du
consentement libre et éclairé explicité dans la loi Kouchner de 2002 et les pratiques
suivantes qui relèvent de violences : l’expression abdominale, le point du mari,
l’épisiotomie abusive, les césariennes ou tout acte médical à vif, tout acte de pénétration sur
patient-e endormi-e, tout acte de stérilisation imposé à une femme en situation de handic